Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 3, éd. Boiteau, 1858.djvu/92

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Mademoiselle,


Après vous avoir souventes fois dit de bouche que je vous aime plus que moi-même, je prends la liberté de vous en assurer plus certainement, et en même temps vous protester que je vous aimerai toujours nonobstant votre indifférence. J’ai un chagrin cuisant de n’avoir pas pu prendre congé de vous avant mon départ ; j’en ai cherché avec soin toutes les occasions ; mais, cruelle, vos rigueurs et mon amour ne suffisoient pas pour me tourmenter, vous avez encore affecté d’éviter ma rencontre, parce que vous pouviez bien préjuger que par un moment de votre charmante conversation j’aurois adouci les maux que votre absence me cause. Quittez, Mademoiselle, toutes ces rigueurs, si contraires aux belles âmes comme la vôtre, et, en considerant la force de mon amour, agissez en généreuse, et rendez cœur pour cœur. Le mien est vôtre ; il ne souffrira jamais d’autre image que celle de votre charmante personne, et jamais il ne sera partagé. Donnez-moi donc une petite place dans le vôtre ; c’est l’unique chose que je demande au monde, et pour laquelle j’abandonnerois volontiers mes biens et mes dignités. Correspondez donc à mon amour, Mademoiselle, et ne soyez pas seulement maîtresse absolue de mon cœur, mais encore de mes biens. Le porteur prendra votre réponse ; je vous supplie, ne me la deniez pas, non plus que ce que je vous demande, sans quoi vous réduirez au désespoir un homme qui n’a de vie que pour vous aimer et de biens que pour vous servir.

De Chevreuse.

Elle demeura toute déconcertée à la lecture