Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 4, éd. Boiteau, 1876.djvu/102

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pas faite comme les autres, et si je ne l’avois pas bien maniée, je croirois qu’elle n’est pas de chair, mais de quelque autre matière. — Vous verrez, Sire, qu’elle ne sera pas toujours insensible, lui dit le duc ; assurez-vous que vos coups ne seront pas perdus, ils feront leur effet tôt ou tard. Savez-vous, ajouta-t-il, que la main d’un amant qui manie le corps de sa maîtresse, a un certain charme secret qui éveille en elle de certaines idées dont elle ne peut se défendre ? Qu’elle fasse la farouche tant qu’elle voudra ; cela lui revient de temps en temps dans l’esprit ; son imagination en est doucement chatouillée, et l’on peut dire que c’est un germe qui doit produire un fruit auquel l’amant ne s’attend pas. Enfin, l’attouchement d’un homme amoureux envers une femme qu’il aime, est comme celui d’un chien enragé, dont la seule écume produit la rage, quoique cela n’arrive que plusieurs années après. Ainsi je ne doute pas que ce que la comtesse a déjà senti de votre part, et lorsque vous la trouvâtes endormie la première fois, et lorsque vous la poussâtes de si près, au vallon de la forêt de Fontainebleau, et les privautés que vous avez eues avec elle la nuit passée, je ne doute pas, dis-je, que tout cela ne soit un secret poison dans son cœur, qui fera éclater enfin la fureur de l’amour. N’en doutez point, Sire, je sais un peu comment les femmes sont faites. Tenez-vous seulement à l’écart, faites un peu le froid avec elle, et vous verrez qu’elle regrettera peut-être l’occasion qu’elle a perdue. Les femmes négligent ce qu’elles peuvent avoir à toute heure, mais elles font bien des pas pour retenir ce qu’elles craignent de perdre. La comtesse compte sur vous comme sur une conquête assurée, et c’est pour cela qu’elle diffère, autant qu’elle peut, à payer le tribut qu’on doit à l’amour. Quand vous reculerez,