Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 4, éd. Boiteau, 1876.djvu/103

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elle s’avancera ; et, faisant réflexion alors aux plaisirs imparfaits qu’elle a goûtés avec vous, et craignant de ne les retrouver plus, elle désirera que vous acheviez ce qui n’est que commencé ; et peut-être même qu’elle vous en prieroit si la pudeur de son sexe ne la retenoit. Voilà, Sire, comment les femmes sont faites, et vous en savez plus que moi sur ces matières. »

Le grand Alcandre fut ravi d’entendre raisonner le duc d’une manière qui flattoit si fort sa passion. Il approuva son conseil, et, sans affecter de fuir la comtesse, il ne témoigna plus pour elle les mêmes empressements. Cette belle inhumaine ayant vu le Roi à la messe, fut confirmée dans l’opinion qu’elle avoit, que c’étoit lui-même qui l’étoit venu trouver au lit. Elle prit garde d’abord aux marques qu’il en portoit sur son visage, et elle ne put voir sans quelque émotion ces effets de sa cruauté. Son cœur sentit dans ce moment quelque chose de plus tendre qu’à l’ordinaire ; elle fut touchée de compassion pour cet amant malheureux ; et, faisant réflexion à toutes les basses démarches que ce grand prince avoit faites, et qui ne pouvoient partir que d’un cœur amoureux jusqu’à la folie, peu s’en fallut qu’elle n’eût quelque espèce de honte d’avoir été si sévère en son endroit, dans un temps où la cruauté, parmi les femmes du beau monde, étoit si peu à la mode. Elle voyoit qu’elle avoit perdu la plus belle occasion du monde pour accommoder son amour avec son devoir, en feignant de croire que celui qui avoit pris la place de son époux étoit son époux lui-même. Mais comme cette feinte ne la