Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 4, éd. Boiteau, 1876.djvu/104

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mettoit pas à couvert des reproches de sa conscience, elle rejetoit cette pensée comme une dangereuse tentation, et, sa vertu reprenant le dessus, elle se contenta de faire bon visage au Roi, sans lui accorder rien de solide. Voilà quel étoit l’état de nos deux amants : la comtesse, plus adoucie, étoit résolue de paroître moins sévère ; et Alcandre piqué de ressentiment, se voulut montrer plus froid et plus réservé.

Quelques jours se passèrent de cette manière, pendant lesquels le Roi parut de plus belle humeur, et plus magnifique qu’à son ordinaire. Mais il vivoit avec la comtesse comme un homme tout-à-fait guéri de sa passion, ou du moins comme un amant qui n’espère plus, qui a épuisé tous ses soins et toute sa tendresse, et qui ne cherche que les plaisirs, les jeux et les divertissements. Cependant, bien loin de témoigner le moindre chagrin contre elle, il lui faisoit beaucoup de civilités, mais de la nature de celles que tous les cavaliers rendent aux dames, et où il ne paroissoit pas que l’amour eût la moindre part. Pas le moindre mot, pas un seul regard qui marquât quelque tendresse ; et le meilleur de tout cela, c’est qu’il n’y avoit rien de forcé ni de contraint ; tout paroissoit naturel, et qui auroit vu le Roi agir de cette manière avec la comtesse, ne l’auroit jamais jugé amoureux. Elle-même s’y trompa toute la première, et elle crut effectivement que le Roi ne sentoit rien pour elle, et qu’il étoit tout-à-fait guéri. Une façon d’agir si peu attendue la surprit étrangement. Si elle eût trouvé le Roi chagrin, ou qu’il eût été froid avec elle, elle s’en seroit