Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 4, éd. Boiteau, 1876.djvu/105

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consolée ; mais un procédé si civil et si tendre faillit la déconcerter.

Un jour qu’elle se trouva près de ce prince, elle voulut prendre un air radouci et plus tendre qu’à l’ordinaire ; le Roi, qui le vit fort bien, fit semblant de n’y prendre pas garde, et d’avoir l’esprit ailleurs, et, comme elle vouloit le rengager, elle le jeta insensiblement sur des matières de galanterie, où le Roi répondit toujours fort à propos, sans faire ni le doucereux ni le sévère. — « Pour moi, quand j’étois en état d’avoir des amants, disoit-elle, je n’aimois pas qu’ils se rebutassent d’abord comme plusieurs que je connois. — Vous aviez raison, Madame, lui dit le Roi, d’être dans ce sentiment, et je trouve que n’est guère aimer si l’on n’essuie toutes les rigueurs d’une maîtresse. — Il n’est pas juste pourtant, ajoutoit-elle, qu’une maîtresse abuse de son pouvoir, et exerce une autorité tyrannique sur ses amants. — Pourquoi non, Madame ? répondit le grand Alcandre ; chacun peut user de ses droits ; une maîtresse ne doit rien à son amant, et c’est à lui à prendre parti ailleurs, s’il n’est pas content. »

La comtesse entendant parler le Roi d’une manière si désintéressée, sur une affaire où elle avoit cru qu’il avoit tant d’intérêt, ne pouvoit cacher le dépit secret qu’elle en avoit dans le cœur. — « Les dames vous sont bien obligées, dit-elle au Roi, de défendre si bien leurs droits ; et que je m’estimerois heureuse d’avoir un tel avocat ! — Comme vous n’avez aucun intérêt à ces sortes de disputes, mes soins vous seroient fort inutiles, répondit le grand Alcandre. — On