Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 4, éd. Boiteau, 1876.djvu/124

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n’a jamais voulu me quitter ; je ne sais si elle a cru que j’eusse quelque dessein amoureux qu’elle ait voulu empêcher. Mais si de son côté elle avoit eu quelque intrigue, elle pouvoit bien cacher son jeu ; car je viens de voir passer une femme vêtue et masquée comme elle, et je suis bien sûr que je m’y serois trompé, si je ne l’avois eue près de moi. »

On ne sauroit exprimer la surprise et la confusion du grand Alcandre, à l’ouïe de ces paroles ; elles furent comme un coup de foudre, qui accablèrent tout d’un coup ce pauvre amant, et le masque qu’il avoit sur le visage lui rendit alors un bon office pour cacher le désordre où il étoit. Revenant pourtant un peu après de sa première surprise, et ne pouvant pas croire qu’il eût été trompé si grossièrement, il s’imagina que le comte se pouvoit tromper lui-même, et que celle qu’il avoit près de lui n’étoit pas sa femme ; il lui tint quelques discours pour s’en éclaircir, et comme elle ôta tout-à-fait son masque, il ne vit que trop son malheur et la pièce qu’on lui avoit jouée. Il tâcha pourtant de dissimuler son déplaisir, ou plutôt mille passions différentes qui l’agitoient ; et ayant dit au comte qu’il se vouloit donner le plaisir de voir ce masque qui ressembloit si fort à sa femme, et essayer s’il s’y tromperoit, d’abord l’ordre fut donné de les faire venir tous, et de les faire passer en revue devant Sa Majesté. Mais la fausse comtesse ne parut plus sous le même habit, et toute la recherche du Roi fut inutile. Il n’osa pas en faire du bruit de peur de nuire à la réputation de la comtesse, et de s’exposer lui-même à la raillerie secrète de