Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 4, éd. Boiteau, 1876.djvu/128

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amour et ses espérances. On peut dire même que cette dame, toute vertueuse qu’elle étoit, plaignoit ce monarque de s’être engagé mal à propos dans une passion qu’elle ne pouvoit pas soulager sans blesser l’honneur qui lui étoit plus cher que la vie. Enfin cet orgueil, qui est assez naturel à toutes les belles, lui faisoit trouver quelque douceur à être aimée du plus grand Roi du monde. C’étoient les seules choses qu’elle avoit à se reprocher, et qui l’avoient engagée dans de petites démarches dont le grand Alcandre croyoit tirer un jour de grands avantages. Mais il est certain qu’à cela près, elle fut toujours ferme dans son devoir, et qu’elle n’eut jamais la moindre pensée de contenter une passion criminelle, comme étoit celle du Roi.

Cependant, ce grand monarque se flattoit quelquefois de vaincre cette invincible ; et comme l’amour grossit les objets, il regardoit les moindres honnêtetés de sa maîtresse comme les erres[1] d’une conquête assurée. Prévenu de cette pensée, il voulut faire un dernier effort. Il ne cherchoit que l’occasion d’un tête à tête

  1. C’est-à-dire comme les arrhes, comme les gages d’une conquête assurée. Furetière donne erres comme une forme corrompue de arres, mais il n’admet pas le mot arres. Richelet (1685) fait une différence entre arres qui s’emploie au figuré, et erres qui s’emploie dans le sens propre.