Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 4, éd. Boiteau, 1876.djvu/149

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La princesse de Conti. — Ils sont délicats et fort tendres.

Monseigneur. — C’est ce que je demande.

(La princesse de Conti lit :)


Lettre en vers de mademoiselle du Tron au duc de *** à l’armée[1].Ma vertu, cher amant, ne me pouvoit permettre
Le funeste plaisir de t’écrire une lettre ;
Et malgré mon amour, mon devoir inhumain,
M’a cent fois arraché la plume de la main.
Mais quoi ? le mal me presse, et si je l’ose dire,
Il faut absolument ou mourir ou t’écrire.
Dans cette extrémité, mon courage se rend ;
Et si je fais un mal, j’en évite un plus grand :
Car enfin je veux vivre, et l’amour m’y convie
Puisque tu reviendras me faire aimer la vie,
Et que je ne sçaurois abandonner le jour,
Sans quitter mon amant et perdre mon amour.
Dis-moi donc, notre Roi veut-il, sans résistance,
Sur tous ses ennemis exercer sa vengeance ?
Trouve-t-il tant d’attraits dans ces travaux guerriers ?
N’est-il pas encor las de cueillir des lauriers ?
Son bras victorieux, pendant une campagne,
Fait plus qu’en soixante ans n’a pu faire l’Espagne.
N’est-ce donc pas assez ? veut-il que malgré moi,
J’ose me repentir d’avoir un si grand Roi ;
Et que mon cœur, outré de dépit et de rage,
Autant que les Anglois déteste son courage ?
Je regrette souvent le règne des Césars,
Qui se plaisoient bien moins de vivre au Champ de Mars.

  1. A l’armée du Rhin, comme on le voit dans la pièce de vers qui suit :

    … N’as-tu pu, sans le perdre, aller jusques au Rhin ?
    … Tu voudrois quelquefois aller, comme un tonnerre,
    Ravager la Hollande et terminer la guerre.