Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 4, éd. Boiteau, 1876.djvu/209

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nous abaissons tranquillement devant Votre Majesté, pour lui faire connoître notre profond chagrin, et lui demander justice. Nous voyons avec un extrême regret que ses ministres nous veulent assujettir à un dur esclavage de maltôte[1], honteux pour notre franchise que nous avons reçue de la nature ; comme elle nous a placés au plus éminent et au plus beau séjour qu’elle ait formé, nous ne pouvons souffrir de contrainte sur notre liberté. De plus, Sire, l’auteur souverain de la nature nous a créés pour le bien et la satisfaction des hommes, qui ne peuvent vivre sans nous. Quelle tyrannie ce seroit de nous voir sous le joug d’un impôt infâme qui arrêteroit notre course céleste et naturelle, en nous privant de nos avantages ! Permettez-nous donc, grand Roi, de nous retirer de France sans être dragonnés, ni bombardés, et de nous réfugier dans des pays de paix où les puissances souveraines ne troublent point leurs sujets par aucune tyrannie, faute de quoi, nous déclarons à Votre Majesté que nous serons contraires à toutes ses flottes qu’elle mettra sur mer, et à tout ce qu’elle entreprendra sur les eaux. Nos chères Sœurs, même nos Zéphirs qui lui ont été si favorables, ont résolu de ne plus paroître dans ses palais, ni dans les belles solitudes qui font ses délices. Combien de fois, Sire,

  1. «Maletoulte, c’est-à-dire extorsion, imposts extraordinaires, et maltoutiers sont ceux qui lèvent ces imposts. Ce qui vient du mot tollir, c’est-à-dire oster. Ce nom fut donné à l’impost de 1296, selon M. Bignon sur Marculphe. D’où vient que maletoste, selon Ragneau, veut dire tout subside extraordinaire. » (Borel, Thresor de Recherches.)