Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 4, éd. Boiteau, 1876.djvu/214

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Le Roi. — Monsieur, je vous prie de ne laisser entrer personne aujourd’hui ; j’ai mes raisons de n’être point visible.

M. de Duras. — Sire, il suffit que Votre Majesté l’ordonne.

Le Roi. — Oui, je le veux ainsi, Monsieur ; vous m’obligerez.

M. de Brissac, à M. de Duras. — Le Roi le commande, il faut suivre ses ordres exactement.

Un Page de La Chambre[1], à M. de Brissac. —

    Saint-Louis depuis la fondation de l’ordre en avril 1693, étoit lieutenant-général depuis le mois de mars de la même année. Il étoit gouverneur de Guise. Saint-Simon fait de lui « un fort simple gentilhomme tout au plus, qui n’étoit ni ne se prétendoit rien moins que des Cossé… C’étoit de figure et d’effet une espèce de sanglier, qui faisoit trembler les quatre compagnies des gardes du corps, et compter avec lui les capitaines, tout grands seigneurs et généraux d’armée qu’ils étoient… Il s’étoit acquis toute la confiance du Roi par son inexorable exactitude… Avec tout l’extérieur d’un méchant homme, il n’étoit rien moins, mais serviable sans vouloir qu’on le sût. » — Voir à la suite dans Saint-Simon le récit du tour qu’il joua aux fausses dévotes de la Cour. Elles attendoient le Roi au Salut, toutes munies d’une petite bougie qui éclairoit leur livre pour elles, et leur visage pour le Roi. Brissac ayant dit tout haut aux gardes de se retirer, les bougies s’éteignirent et les dames quittèrent la chapelle. Le Roi arriva peu après, et rit beaucoup lorsqu’il apprit pourquoi l’église, ordinairement trop petite, étoit déserte ce soir-là. « Toutes ces femmes auroient voulu l’étrangler. »

  1. Les pages de la Chambre appartenoient à de très-bonnes familles nobles du royaume ; en échange des services qu’ils lui rendoient, le Roi se chargeoit de leur éducation et de leur avenir. Il a daigné leur consacrer une page de ses Mémoires. On lit dans l’État de la France de 1669 : « Le Roi entretient vingt-quatre pages de sa Chambre toute l’année, dont chacun des quatre premiers gentilshommes a six ; et Sa Majesté leur entretient des maîtres