Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 4, éd. Boiteau, 1876.djvu/218

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Le Roi. — En amour, Mademoiselle, c’est quelque chose de charmant quand deux cœurs sympathisent bien ensemble ; de petites absences ont je ne sais quoi de ravissant ; serois-je bien le motif de votre rêverie ?

Mlle du Tron. — C’est quelque chose d’approchant, mon Prince.

Le Roi. — Parlez, belle mignonne, parlez, m’aimez-vous ? suis-je assez fortuné pour jouir d’un si grand bien ?

Mlle du Tron. — Mon Dieu, mon illustre Prince, qu’il est inutile de vous le dire ! un monarque comme vous, le plus aimable du monde, peut-il en douter ? Il ne faut avoir qu’un cœur et des yeux pour sentir véritablement qu’on aime Votre Majesté, quand elle n’auroit ni sceptre ni couronne ; et l’amour se feroit un reproche sensible de ne pas faire adorer un grand héros comme vous.

Le Roi. — Ah ! Mademoiselle, que vous êtes honnête ! et qui peut reconnoître tant de bontés ! mais hélas ! que ne suis-je assez pénétrant pour démêler l’amour d’avec la civilité ! Ce mot « je vous aime », est fort facile à prononcer ; mais qu’il est difficile à remplir !

Mlle du Tron. — Je l’avoue, Sire.

Le Roi. — Une véritable tendresse est hors de prix ; mais l’on s’en pique rarement aujourd’hui, où la politique et l’intérêt triomphent en tyrans des cœurs mercenaires.

Mlle du Tron, rêveuse, ne répond rien.

Le Roi lui dit. — Où en êtes-vous, belle rêveuse ?

Mlle du Tron, en remuant la tête. — Sire,