Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 4, éd. Boiteau, 1876.djvu/219

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

j’en suis en l’île de Tendresse[1], que j’ai trouvée remplie d’un nombre infini d’amants, empressés, mais peu sincères.

Le Roi, en riant. — Vous n’éprouverez pas Mademoiselle, un pareil sort ; mais ce que vous dites dans le général n’est pas une fiction, la chose est plus réelle que vous ne pensez.

Mlle du Tron. — Je le sais fort bien, Sire, c’est aussi pour cela que je le dis.

Le Roi. — Vos rêveries, Mademoiselle, sont si spirituelles, que je suis curieux de reconnoître cet heureux endroit de mon parc, que vous me marquez vous en avoir fait naître de si agréables.

Mlle du Tron. — Sire, il est fort facile de satisfaire Votre Majesté, il ne tiendra qu’à Elle d’en être bientôt le témoin oculaire ; d’ailleurs, le temps est fort beau pour la promenade.

Le Roi. — Cela est vrai, et nous nous en trouverons mieux de prendre un peu l’air. Allons-y donc promptement.

  1. L’île de Tendresse appartient à la géographie des précieuses, comme ce pays de l’Amour-propre où La Rochefoucauld dit qu’il reste beaucoup de terres inconnues. Il existe un livre italien fort singulier, intitulé : «della Geografia trasportata al morale, del Padre Daniello Bartoli, della compagnia di Giesù. Milano, 1665. » 1 vol. in-18. L’auteur, dans les Iles Fortunées voit les espérances de Cour ; dans les cataractes du Nil, le domaine des grands parleurs qui assourdissent ceux qui les écoutent ; dans le mont Parnasse, la vie insensée de qui chante sur autrui et pleure sur soi-même, etc. Chaque pays est le sujet d’un long chapitre, bourré de citations et de préceptes moraux empruntés à toute l’antiquité.