Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 4, éd. Boiteau, 1876.djvu/229

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troublé par des doutes si fâcheux, et si embarrassants !

ENTRETIEN XXIII.

Le Roi, dans son cabinet, rêveur et parlant seul. — Ce n’est pas en vain que je m’inquiète, cette beauté ne m’aimera jamais. Elle est prévenue, à mon malheur, d’un autre objet qui la flatte, et qui l’entretient jour et nuit d’autres idées plus agréables ; mais que faire ? il est impossible de forcer les cœurs ; peut-être que le temps m’en rendra le maître. L’absence de cet heureux amant et mes soins assidus pourront me procurer l’avantage auquel j’aspire. Ah ! que la conquête d’un cœur est souvent difficile à faire, surtout lorsque l’amour en a disposé pour un autre ! Il est vrai qu’elle a lieu de se plaindre de ma foiblesse qui a si mal secondé mes désirs, et n’a pu répondre à son attente. C’est un affront pour cette belle, qu’elle ne me pardonnera jamais, quoiqu’elle n’ose me le témoigner, et je crains que son cœur ne refuse de se donner à un Prince si peu capable de remplir ses devoirs dans les occasions les plus importantes. Ah ! qu’il est dur de sentir tant d’amour, et de se trouver si peu en état d’en donner des marques sensibles ! Quelle honte n’en rejaillira-t-il point sur l’histoire de ma vie, et à quelles railleries ne serai-je pas exposé si cette belle n’est pas discrète ? il faut tâcher de réparer au plus tôt cet affront ; petit Dieu des cœurs, viens à mon secours ! hélas ! pourquoi m’as-tu cruellement abandonné ? Falloit-il laisser si peu de force et de courage à un Prince surnommé le Grand ?