Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 4, éd. Boiteau, 1876.djvu/23

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par des louanges que le Roi se sentoit obligé de soutenir.

Cet amant jugea bien par une telle conduite, qu’il n’iroit pas fort vite dans ses amours, puisqu’il n’avoit pas encore fait le premier pas. Peu s’en fallut qu’il ne se rebutât entièrement, et qu’il n’abandonnât le dessein de cette conquête ; il lui sembloit même quelquefois qu’il n’étoit plus amoureux ; mais son amour étoit comme ces fièvres intermittentes, qui sont d’autant plus violentes dans leur accès, qu’elles ont donné quelque relâche. Quand il se la représentoit avec cet éclat, cette douceur, cette majesté, ces yeux brillants, son cœur étoit tout de flamme. Mais quand il pensoit à cet air sévère, à cette autorité de reine, à cette vertu constante, à cette pudeur incorruptible, tout son amour se changeoit en estime, ou plutôt en respect et en admiration. Quand il ne faisoit que la regarder, son cœur étoit tout en feu ; mais dès qu’il vouloit lui parler de son amour, il se sentoit tout de glace. La beauté et la vertu de cette comtesse, qui éclatoient également dans ses yeux, produisoient ces deux effets contraires dans l’âme du Roi.

Cela sembloit tenir quelque chose du charme et de l’enchantement qu’un amant comme le Roi, qui n’étoit pas novice dans ces matières, et qui s’étoit signalé en tant d’occasions amoureuses, s’arrêtât ainsi tout court, sans oser hasarder la première attaque, lui qui avoit si souvent monté à la brèche avec une intrépidité digne d’un Mars. On parle d’un certain nouement d’aiguillettes, qui arrête quelquefois