Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 4, éd. Boiteau, 1876.djvu/240

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Sire, et il s’est trouvé que c’est la plus grande coquette du monde, qui n’a pas moins que six ou sept galants à sa toilette.

Le Roi, souriant. — C’est assez pour en être contente ; mais il me semble, mon fils, qu’il seroit plus glorieux pour vous d’aller attaquer quelque place considérable, ou d’aller secourir le siége de Namur, que de vous amuser à ces galanteries.

Monseigneur. — Puis-je manquer, Sire, en suivant l’exemple qu’on me donne ? Quand Votre Majesté parle de la sorte, il me souvient d’une fable que j’ai lue, où l’écrevisse d’Esope reprenoit sa fille de ce qu’elle marchoit à reculons ; mais cette fille plus avisée que sa mère, lui dit : Ma mère, vous me l’avez appris de la sorte, et vous ne pouvez marcher autrement, même sur la fin de votre vie ; trouvez donc bon que je vous imite.

Le Roi, confus. — Mon fils, vous avez raison de condamner mes actions à l’âge où je suis ; je défends ce que je fais ; mais aussi considérez qu’il y a bien plus de lauriers à cueillir pour un jeune prince comme vous, que pour moi qui suis sur le retour.

Monseigneur. — Il est vrai, Sire ; mais j’aurois eu aussi bien l’affront de voir rendre cette place à mon nez, que le maréchal de Bouflers qui a fait de son mieux pour la conserver.

Le Roi. — Je goûte vos raisons ; hélas ! nous avons tout perdu à la mort du maréchal de Luxembourg[1] ; ce général habile et consommé

  1. Le maréchal de Luxembourg étoit mort le 4 janvier