Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 4, éd. Boiteau, 1876.djvu/275

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plus indifférente charmoit le cœur. Le Roi prenoit un plaisir extrême de l’entendre parler, et se formoit des idées ravissantes du bonheur qu’il auroit s’il étoit aimé de cette aimable mignonne, qu’il voyoit tous les jours chez la Reine ou chez Madame, et plus il la regardoit et plus ce prince en devenoit amoureux. Il fit confidence au duc de Saint-Aignan sur le moyen d’entretenir seul la personne qui l’occupoit si tendrement. Le duc fut ravi de l’amitié que son prince lui faisoit, et chercha avec empressement l’occasion de lui faire voir mademoiselle de Fontanges, qui devoit se trouver le lendemain aux Tuileries avec madame de Maure[1].

Notre Monarque, qui s’étoit mis ce jour-là convenablement, eut une conversation particulière avec son aimable maîtresse, où ses regards lui apprirent qu’il n’étoit pas éloigné du bien charmant qui l’attendoit. Ce fut avec tant de modestie que cette incomparable dit au Roi qu’elle n’étoit pas insensible à tout ce qu’il sentoit pour elle, qu’à la sortie des Tuileries, le marquis de Louvois vint au-devant de Sa Majesté pour lui communiquer quelque affaire. Notre passionné prince lui dit, en parlant de mademoiselle de Fontanges, qu’il n’avoit jamais vu une fille si fière et dont la vertu fût si grande. Le marquis répartit au Roi qu’il croyoit qu’une fille avoit de la peine à conserver sa fierté avec un prince comme lui.

Le jour suivant Sa Majesté donna tous les divertissements ordinaires à toutes les dames de la Cour, où mademoiselle de Fontanges parut avec tous ses charmes adorables. Le Roi, qui étoit le plus amoureux de tous les hommes, fut

  1. Le Passe-temps royal dit : « avec madame D. L. M. » — Le nom de Mme de Maure, qui étoit morte à la fin d’avril 1663, est une preuve, qui s’ajoute à toutes les autres, de la négligence avec laquelle a été faite cette fade compilation.