Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 4, éd. Boiteau, 1876.djvu/278

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Candie étoit trop avancé, et les ennemis s’étoient rendus maîtres d’un trop grand nombre de places pour espérer que, sans un très-puissant secours, on pût empêcher qu’elle ne fût entièrement réduite sous leur puissance.

Revenons à mademoiselle de Fontanges que nous avons laissée dans la forêt avec le Roi goûter à longs traits les plaisirs de la solitude. L’on peut dire que notre prince n’a fait jamais paroître tant d’ardeur et d’amour qu’il le fit ce jour à cette belle nymphe au retour de la chasse. Mademoiselle de Fontanges qui tomba malade affligea le Roi et toute la Cour sensiblement. Sa Majesté étoit dans une tristesse inconcevable. Les douleurs de son amante l’agitoient mortellement. Il craignoit toujours de perdre ce qui lui paroissoit le plus cher au monde ; et, quoique ce prince connût que ses maux ne seroient pas de durée, il y parut néanmoins fort sensible, comme si le mal eût été dangereux. Il ne la quitta point, agissant auprès d’elle comme le plus passionné des amants. Les peines de cette belle mignonne le mirent dans un abattement extraordinaire, et lui firent dire à la comtesse de Maure[1] d’un air tout pénétré de douleur : — « Hélas, Madame, je préférerois le bonheur de revoir en santé cette aimable enfant au prix de ma couronne. » Le Roi disoit ces tendres paroles les larmes aux yeux.

Notre belle malade ayant connu l’amour violent de notre Monarque, le regarda d’une manière languissante et lui dit en soupirant : — «

  1. Voy. ci-dessus, p. 265, note.