Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 4, éd. Boiteau, 1876.djvu/279

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Ah ! mon cher prince, pourquoi faut-il que les plaisirs soient accompagnés de suites si fâcheuses ? mais cependant j’en aimerai la cause tant que je vivrai. » Ces termes si doux et si touchants, eurent tant de pouvoir sur le cœur du Roi, qu’il se jeta sur le lit de sa charmante, et l’embrassa tendrement, lui jurant que jamais il m’aimeroit d’autre qu’elle, et que sa passion seroit éternelle. Mademoiselle de Fontanges se trouvant mieux, reçut plusieurs visites ; jamais reste de journée n’a été si bien employé que fut celui-là, on y parla de nouvelles galantes, et des pièces d’esprit qui étoient les plus jolies. Toutes les dames firent tous leurs efforts pour divertir la maîtresse du Roi, qui les en remercia avec des expressions fort engageantes. La duchesse de Créqui, qui avoit été de la chasse, tira de sa poche des vers, et en fit la lecture[1].

Hélas ! qu’il est bien vrai, que ce qu’on doit aimer,
Aussitôt qu’on le voit, rien ne nous peut charmer,
Et qu’un premier moment fait naître dans nos âmes
Mille doux mouvements tous passionnés et tendres.

Notre Monarque prit ces vers des mains de la duchesse, quand elle les eut lus, et les fit voir à sa belle, qui s’en fit une application fort délicate, dans la première connoissance qu’elle avoit eue du Roi, l’ayant aimé dès le précieux moment que Sa Majesté parut à ses yeux. — « Ce jour si fortuné, disoit souvent cette aimable

  1. Dans le Passe-temps royal, le nom de la duchesse de Créqui est remplacé par celui de la duchesse d’A. ou d’Arpajon, et les vers qui suivent par un énigme digne de ceux qui figurent dans les gaillardes poésies du capitaine Lasphrise.