Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 4, éd. Boiteau, 1876.djvu/281

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assez pathétiques ni assez passionnés pour vous marquer mon inquiétude, et les tendres émotions qui agitent mon cœur. Je tremble encore quand je songe au malheur que mon cher prince a évité. Si vous m’aimez autant comme je le crois, vous avez beaucoup d’intérêt à conserver votre vie, puisque la mienne en dépend[1]. »

Le Roi lut ce billet avec des transports de plaisir qu’il seroit difficile d’exprimer. Sa Majesté baisa mille fois ce joli billet, et ne différa point à lui envoyer ce qui suit :

« Ah ! qu’il est doux, ma mignonne, d’être aimé d’une personne aussi charmante que vous. Ne craignez pas, le danger est passé. Je ne veux plus présentement me conserver que pour vous seule. Je pars dans ce moment pour vous dire combien je vous aime.

Ah ! que le souvenir en est aimable, possédant un cœur aussi précieux que le vôtre. »

Notre invincible Monarque suivit de bien près cette lettre, et partit de Versailles dans le dessein d’aller assurer sa jolie maîtresse de sa passion ordinaire. — « Que je suis heureuse, mon aimable prince ! lui dit cette belle, en le voyant, d’un air le plus engageant du monde, de vous voir de retour ! Ah ! que l’absence de ce qu’on aime est une chose difficile à supporter ! — Je le sais bien, ma chère, lui répondit le Roi, en la serrant tendrement dans ses bras, que de tous les supplices les plus cruels, l’éloignement de ce que l’on chérit est le plus sensible. »

  1. Le texte de ce billet et du suivant diffère de celui des billets écrits dans le même sens et dans les mêmes circonstances, et reproduits dans le Passe-temps royal.