Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 4, éd. Boiteau, 1876.djvu/290

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auquel j’eus le bien de vous connoître, et j’en rends grâces incessamment au Ciel. — Ah ! Sire, répondit la marquise, le souvenir charmant du précieux moment où j’ai eu le bonheur de vous plaire m’est quelque chose de si doux que la seule idée fait tout le plaisir de ma vie. J’ambitionnerai journellement à vous procurer quelque satisfaction ; c’est en quoi je fais consister ma plus grande joie. — Madame, répartit notre prince, des offres si engageantes, venant d’une personne comme vous, ne se refusent jamais : vos manières sont trop aimables et trop spirituelles pour ne faire pas d’impression. — Hélas ! Sire, répliqua madame de Maintenon, que l’encens est d’une odeur ravissante, quand il vient d’un prince comme vous ! L’on se sent de la vanité en respirant vos douceurs. » Le Roi alloit parler quand le duc d’Orléans et le comte de Lauzun entrèrent qui firent changer de conversation à nos illustres amants.

Comme la paix donnoit quelque relâche aux grands soins que notre invincible Monarque prenoit de son État, Sa Majesté pour calmer ses ennuis fit une partie de promenade avec la marquise de Maintenon, à Chantilly[1] où toute la Cour se trouva avec une magnificence surprenante. Le Roi étant allé sur le soir dans le jardin trouva un berceau de feuillages orné de festons de fleurs qui rendoient ce lieu charmant. Trente lustres y jetoient tant de clartés qu’elles produisoient un véritable jour. Du milieu de

  1. La jouissance de la terre de Chantilly avoit été donnée par la reine Anne d’Autriche au prince de Condé ; Louis XIV la lui abandonna, en toute propriété, en 1661.