Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 4, éd. Boiteau, 1876.djvu/293

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d’autres. La jalousie l’accompagnoit presque dans le fond de son monastère, où elle avoit tout le temps de réfléchir sur tous les heureux moments qu’elle avoit passés avec notre Monarque. Ces douces pensées de plaisir nourrissoient l’amour et la tendresse qu’elle sentoit pour son prince, qui, de son côté, ne songeoit à elle que fort foiblement, ayant l’idée toute remplie de la belle personne que le sort lui avoit tirée d’entre les bras. Madame de Montespan, que le Roi voyoit encore quelquefois, ne reçut pas moins de joie[1] que La Valière du malheur de mademoiselle de Fontanges, se trouvant en quelque façon vengée du tort que l’amour lui avoit fait d’avoir mis une autre à sa place.

Le Roi qui est clairvoyant sur toutes choses, vit très-bien la joie de madame de Montespan. Ce prince lui en sut peu de gré, et lui dit comme il étoit avec elle, dans son cabinet : — « Ah ! Madame, je suis surpris du peu de part que vous prenez à ce qui me touche. J’aurois cru avoir rendu votre cœur plus sensible. — Hélas ! Sire, répondit madame de Montespan, d’un air tendre, ce n’est que pour avoir trop de sensibilité pour vous que j’ai senti du plaisir de la mort de ma rivale. Vous savez qu’un

  1. L’opinion publique alla même jusqu’à accuser Mme de Montespan d’avoir empoisonné sa rivale. Le Roi, craignant un scandale, défendit qu’on fît l’autopsie du corps de Mlle de Fontanges. Voy. sur cette affaire, sur les dépositions de la Filastre, témoin dans le procès de la Voisin, etc., Mme de Montespan, par P. Clément, 1 vol in-8o, Paris, Didier, pp. 402-405.