Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 4, éd. Boiteau, 1876.djvu/294

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amour délicat est toujours suivi de jalousie, et que, quand on aime tendrement, l’on ne peut souffrir de partage. — Il est vrai, Madame, répliqua le Roi, que j’aime les femmes qui ont ce discernement ; c’est le véritable caractère d’un sincère amour. Mais vous savez que j’ai eu toujours pour vous des sentiments distingués et suffisants, pour vous faire ce qui pourroit me plaire. »

Madame de Montespan avoit envie de soutenir encore la conversation, quand le Roi la quitta avec assez d’indifférence, ce qui l’affligea sensiblement ; car comme elle aime la gloire et l’éclat, la tendresse d’un prince comme le nôtre faisoit le plus grand bonheur de sa vie. Cette dame songea donc aux moyens de faire renaître la passion de son amant, qui étoit mourante, et prête à jeter les derniers soupirs. Elle employa pour cet effet tout ce que l’art a pu imaginer de plus aimable ; et comme la nature n’a point été avare à donner des beautés à cette belle, il lui étoit facile de paroître charmante.

Un jour qu’elle attendoit Sa Majesté en déshabillé de couleur de rose, et qu’elle étoit plus jolie qu’à son ordinaire, comme elle rêvoit profondément dans sa chambre, et que ses yeux se baignoient de larmes, le Roi arriva dans ce triste moment, et lui demanda pourquoi elle pleuroit : — « Hélas ! Sire, répartit cette belle affligée, je vous aimerai toujours, et vous ne m’aimez plus. Ah ! que mes sentiments sont opposés aux vôtres ! L’amour, de qui dépend toute ma félicité, que ne vous a-t-il donné la tendresse que j’ai, ou que n’ai-je en partage