Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 4, éd. Boiteau, 1876.djvu/303

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

est quelque chose de plus grand et de plus noble que mille autres attaches dont l’homme fait ses délices, et où il met les plus doux moments de sa vie à les acquérir. — Cependant, Sire, dit madame du Lude, l’esprit des mortels est borné, quelque soin qu’ils donnent à la recherche, et quelque pénétrants qu’ils puissent être. L’on ne sait rien à fond avec certitude. Nous apportons en naissant des ténèbres qui rendent nos lumières peu brillantes. »

Notre Monarque prenoit un plaisir extrême d’entendre raisonner cette aimable comtesse, quand le duc de La Feuillade[1] entra qui entretint Sa Majesté longtemps. Le Roi ayant fait une profonde révérence à madame du Lude, la quitta pour un moment, et revint aussitôt auprès d’elle. — « Ah ! Madame, lui dit ce prince en riant, une sympathie inconnue m’entraîne vers vous. Je compte les heures qui me privent de votre agréable présence [comme] perdues. — Ce que vous dites, Sire, répondit notre belle, est quelque chose de bien glorieux pour moi. Rien n’est si doux que l’encens d’un prince comme vous, qui connoît la valeur de ce qu’il estime avec un discernement distingué. — Madame, si j’étois à présent, lui répondit le Roi, encore assez heureux pour être aimé d’une personne aussi engageante que vous, non pas de cet amour sensuel dont j’ai fait mon bonheur autrefois, mais de celui qui ne consiste qu’en esprit ! Car je vous assure que ces plaisirs sont plus réels que ceux du corps. J’en goûte tous les jours la différence, qui me

  1. Voy. la table.