Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 4, éd. Boiteau, 1876.djvu/304

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fait regretter mille moments que j’ai passés en bagatelles. — Il est vrai, Sire, reprit madame du Lude, qu’après avoir fait le véritable panégyrique de l’amour, l’on y remarque des défauts surprenants. Qu’est-ce que cette passion, sinon un amas de peines qui ne se nourrit que de craintes et de doutes ? les plaisirs qui sont de peu de durée sont toujours suivis d’amertumes sensibles ; et l’amour, au comble de son bonheur, comme toutes les autres choses, retourne à son néant. — Que vous représentez justement, Madame, dit notre Monarque, le caractère de ce Dieu ! Le voilà sans ombres et sans voiles, et c’est de la manière qu’il est plus charmant, car ses défauts ne sont point cachés. — Il est pourtant bon, Sire, répondit notre aimable, de lui donner quelques agréments, afin qu’il nous puisse plaire. Car quand on s’engage, si l’on se faisoit une idée funeste d’un triste changement… Ah ! Sire, continua la comtesse, pardonnez un tendre souvenir, je ne puis oublier l’ardeur violente que le comte d’Armagnac[1] avoit conçue pour moi, et quand je fais la revue de toute sa passion et du changement que j’y vois, je dis : c’est l’ouvrage d’un mortel. Il n’appartient qu’à l’homme à mettre en usage ces foiblesses. Il y a quelque temps, comme j’étois chez moi à la campagne, et que je rêvois solitairement dans le

  1. Louis de Lorraine, comte d’Armagnac, fils aîné du comte d’Harcourt « cadet la Perle, » l’ami du poète Saint-Amant. Il étoit frère du chevalier de Lorraine et du comte de Marsan. Né en 1641 il mourut en 1718. Il avoit épousé Catherine de Neufville. La prétendue passion dont il est parlé ici n’est connue que par ce libelle.