Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 4, éd. Boiteau, 1876.djvu/315

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trouvent le bonheur incomparable, si le malheur avec son air effroyable, et qui s’oppose toujours aux joies du monde, ne vient pas troubler leurs innocentes caresses. Le comte de Marsan ne soupira pas longtemps aux pieds de mademoiselle de Béthune sans faire une forte impression sur son cœur. Cette jeune beauté, qui n’avoit pas encore aimé, s’attacha sans réserve à chérir son amant, et lui donna toutes les preuves d’une véritable amitié, ce qui toucha M. de Marsan sensiblement et lui fit oublier la baronne de…., qui lui en marqua sa rage par tous les reproches violents que la jalousie peut inspirer. Un jour, comme le comte étoit couché au bord d’une fontaine, et qu’il attendoit mademoiselle de Béthune qui devoit venir cette après-dîner chez madame de la Roche, on lui apporta une lettre de la baronne de….. qu’il lut plusieurs fois, en redisant ces mots qu’elle lui avoit écrits : « Ah ! perfide, pourquoi m’as-tu aimée si fortement, si tu ne voulois pas être fidèle ? »

Des reproches si sensibles rendirent le comte tout rêveur, et qui le conduisit[1] dans un petit bois qui étoit au bout du jardin. Notre amoureux solitaire ayant fait quelques tours dans la forêt, s’arrêta pour considérer les bêtes sauvages que la fortune a condamnées à vivre dans ces lieux, et leur dit : « Ah ! innocentes créatures, que votre destinée est heureuse ! les rochers et les affreuses retraites que vous occupez, sont plus agréables que le commerce du monde. »

  1. Il faudroit évidemment : « et le conduisirent » ; mais nous suivons fidèlement le texte.