Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 4, éd. Boiteau, 1876.djvu/324

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lui répliqua : « Ah ! ma mignonne, je ne connois plus le Roi ; il est devenu insensible à ce qui faisoit autrefois ses plus doux moments. Un grand fond de piété, qui s’est emparé de son cœur, le rend présentement tout de glace aux plaisirs des sens. — Je vous avoue, répartit mademoiselle de Grancey, qu’une si grande froideur en un homme n’est point agréable. L’on diroit dans cet état qu’il n’est point animé. L’amour donne je ne sais quoi qui est aimable à tout ce qui respire le jour. — Mais encore, ma belle, dit la marquise, dites-moi sincèrement si notre Monarque vous a fait paroître tant d’indifférence ? — Madame, Sa Majesté ne m’a point surprise dans ses manières languissantes, puisque la première fois que je l’ai vue, j’ai bien jugé que son amour se mouroit et qu’il étoit temps de lui faire un tombeau. — Vous êtes bien savante, ma bellotte, dit madame de Maintenon en riant, d’avoir si bien pressenti la mort de la tendresse du Roi ; je m’étois flattée que vous la feriez renaître et que vos charmes auroient assez de force pour la ressusciter. — En vérité, madame, répondit cette charmante, il est bien difficile de redonner la vie à ce qui n’en a plus. Voici cependant des vers que j’ai dits à Sa Majesté dans le dessein de la réveiller de son assoupissement et de la divertir par cet imprévu.

Dites-moi mon cher prince
D’où vient votre air rêveur ?
Seroit-ce quelque feinte
Dans votre illustre cœur ?
L’on sait que vous n’êtes pas insensible
Aux doux attraits d’une aimable beauté,