Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 4, éd. Boiteau, 1876.djvu/325

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Et que, chez vous, il est du tout[1] visible
Qu’on n’y sauroit trouver de dureté.

— Je ne savois pas, ma belle enfant, dit notre marquise, que vous étiez poëte. C’est un exercice fort joli pour une jeune personne comme vous. Il n’y a rien qui polisse davantage l’esprit et qui apprenne mieux les manières du bel usage que la poésie, et qui donne une si grande délicatesse en tout ce que nous faisons. Le Roi aime passionnément les vers, quand ils sont bien tournés et fort tendres ; c’est pourquoi, ma mignonne, faites un sonnet fort juste et qui fasse connoître à Sa Majesté adroitement que vous l’aimez, et que vous êtes fâchée qu’il n’y réponde pas aussi tendrement que vous le voudriez. Il faut quelquefois solliciter un cœur avant de s’en rendre le maître. — Ah ! madame, répartit mademoiselle de Grancey, que les ordres que vous me donnez sont difficiles à exécuter ! Je n’ai pas de penchant à faire des avances à mes amants. Il n’y a rien de si peu à mon goût que ces sortes de manières. — Il est vrai, mademoiselle, répondit madame de Maintenon, quand on est faite comme vous êtes, il n’est pas besoin d’en faire ; mais il y a de la différence entre galant et galant. Être aimée, par exemple, d’un Roi aussi charmant que le nôtre est une chose qui mérite bien un peu de peine. Défaites-vous de cette fierté qui est si naturelle aux jolies filles comme vous, et marquez un peu d’empressement à ce Prince. C’est le moyen le plus sûr de lui plaire. — Madame, ne parlons plus de cela,

  1. Tout-à-fait.