Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 4, éd. Boiteau, 1876.djvu/333

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douceurs pendant quelques semaines, elle se trouva ennuyée de posséder toujours les mêmes objets. Le prince de Vaudemont lui écrivoit souvent, sans que le comte le sut ; c’est pourquoi cette belle solitaire lui manda son chagrin, et le pria de venir incognito la divertir, ce que ce tendre amant fit le plus tôt qu’il lui fut possible. Mais quand le prince fut arrivé dans le village, la comtesse parut fort embarrassée où elle le pourroit loger commodément, sans que son mari le pût savoir ? Des pensées d’un si grand poids occupèrent longtemps notre passionnée amante, qui trouva le moyen de faire venir tous les jours son incomparable galant chez elle ; cette dame aimoit extrêmement la symphonie d’un clavecin et d’un tuorbe[1], c’est pourquoi son mari lui avoit donné de ces jolis instruments pour l’occuper agréablement ; et comme elle ne les touchoit pas dans la dernière perfection, elle avoit besoin d’un maître, ce que le comte lui accorda avec plaisir. Il ne restoit donc plus qu’à le faire venir de Paris. C’étoit M. Desnué[2] que l’on choisit pour le plus savant et qui convenoit le mieux à l’âge et à la taille

  1. Le teorbe ou plutôt tuorbe (en italien tiurba, du nom, dit-on, de l’inventeur), étoit une sorte de luth à deux manches.
  2. Nous avons vainement cherché sur ce Desnué, qui cependant n’est pas inconnu, des renseignements dans l’état des musiciens de la chambre du Roi et de Monsieur, dans le Livre commode des adresses (1692) parmi les professeurs de musique, dans le Parnasse français de Titon du Tillet, dans le Dictionnaire biographique des musiciens, de Fétis, dans Saint-Simon et Dangeau, etc.