Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 4, éd. Boiteau, 1876.djvu/334

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du prince de Vaudemont, qui devoit jouer le personnage du maître de tuorbe, en copiant et sa voix et ses manières, et étant travesti d’un habit d’un homme de ce caractère. Par bonheur pour la comtesse, son époux avoit la vue fort courte, c’est ce qui le rendoit plus défiant qu’un autre ; et il falloit même qu’il regardât les personnes de bien près pour les connoître. Le jour étant venu que l’on devoit exercer les instruments, le comte de Souche reçut M. Desnué fort civilement, et lui fit grande chère, ce qui donna bien de la joie à la comtesse. L’on ne parla que d’instruments pendant tout le dîner. Le prince de Vaudemont, afin de mieux contrefaire le ton de sa voix, faisoit des grimaces effroyables qui firent rire Mme de Souche de toute son âme. Quand l’on eut bien bu à la santé les uns des autres, il fut question de commencer à jouer. Chacun prit sa place dans un ordre fort régulier. Le comte de Souche se mit auprès de M. Desnué, afin de le connoître, ce que le fin joueur de clavecin ne trouva pas bon, et dit au comte fort sérieusement qu’il falloit qu’il eut la liberté de mettre ses bras où il vouloit et qu’il ne pouvoit être gêné en jouant. Le prince, qui se souvenoit très-peu des leçons qu’on lui avoit apprises étant petit garçon, se trouva fort embarrassé pour chanter quelque air.

Après avoir passé quelque temps à raccommoder ses cordes, qu’il rompoit exprès, il pria la comtesse de jouer la première, ce qu’elle fit aussitôt, et comme elle touchoit assez joliment ces instruments, le prince déguisé n’eut pas bien de la peine à l’instruire. Le comte étoit fort content de M. Desnué, qui faisoit tout son possible