Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 4, éd. Boiteau, 1876.djvu/335

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pour le tromper, et qui profitoit tous les jours de la présence de sa belle, sans cependant pouvoir bien l’entretenir seule ; mais cet amoureux prince se contentoit de la voir, en attendant l’occasion favorable de lui pouvoir dire les tendres sentiments de son cœur. Mme de Souche travailloit toujours à faire naître cette occasion après laquelle elle soupiroit avec tant d’impatience, et qui lui paroissoit le plus grand bien de sa vie, aimant plus qu’elle-même le prince de Vaudemont qui ne languissoit pas moins que sa belle.

Un matin, comme l’on jouoit du tuorbe, le comte de Souche s’ennuya d’entendre dire incessamment la même chose, ce que M. Desnué faisoit dans le dessein de fatiguer son auditeur et de l’envoyer un peu prendre l’air, ce que le comte fit. Après avoir plusieurs fois baillé, en ouvrant la bouche de toute son étendue, il dit à sa chère femme qu’il alloit faire un tour dans le bois, et que bientôt il reviendroit. — « Nous serons encore plus d’une heure, monsieur, répliqua la comtesse, pour accorder le dessus avec la basse. Si cela vous chagrine, vous avez du temps à vous promener. »

Pendant que M. de Souche étoit dans la forêt, nos amants se disoient tout ce que l’amour peut inspirer de plus tendre, et le prince ne pouvant s’empêcher de rire de la plaisante figure qu’il faisoit, la comtesse lui dit, en le regardant tendrement : — « Nous devons reprendre nos instruments, car si notre jaloux revenoit, il nous trouveroit sans occupation, ce qui ne feroit pas bon effet. — Je le veux, madame, répartit le prince de Vaudemont, recommençons à jouer du