Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 4, éd. Boiteau, 1876.djvu/342

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Monsieur de Souche, qui avoit eu la patience d’écouter tout ce langage amoureux, et qui souffroit mortellement, étant toujours sur le point de percer son ennemi de mille coups, ne put s’empêcher de rompre une conversation où sa gloire étoit offensée, et qui méritoit si bien de se venger. Il courut donc, l’épée à la main, à sa femme, et lui dit, furieux comme un lion : « Ah ! perfide, tu mérites la mort ; l’honneur me vengera de ton infidélité et de ta trahison. Quoi, lâche ! ton cœur a-t-il pu former le dessein de trahir ton mari, qui t’a aimée au-delà de ce que tu vaux ! »

Le comte prononça toutes ces paroles avec une colère inconcevable, ce qui fit fuir nos amants infortunés dans la forêt d’un côté et d’autre, et le comte de Souche, qui ne pouvoit pas bien pénétrer, à cause des lieux sombres du bois et de sa vue, où étoient les ennemis, retourna chez lui donner ordre que jamais son infidèle épouse ne revînt à sa maison, fit fermer toutes les portes du château, et passa quelque temps fort tristement.

Pendant tout ce désordre, le prince de Vaudemont et la comtesse étoient désespérés de leur malheur, qui étoit sans remède ; car il n’y avoit pas moyen d’appaiser le comte de Souche, irrité effroyablement, et qui ne pouvoit pas même entendre prononcer le nom de sa femme, ne la regardant plus que comme une scélérate, qui méritoit toute sa haine. Mais ce qui consoloit un peu cette désolée étoit l’espérance qu’elle avoit que le déguisement du prince en M. Desnué n’avoit pas été découvert ; et que ce rusé