Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 4, éd. Boiteau, 1876.djvu/343

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galant avoit toujours bien joué son rôle, que même le bonhomme croira incessamment que c’est le maître de tuorbe qu’elle aime. Ces idées donnèrent un peu de repos à notre belle, qui pria le prince de Vaudemont d’aller faire sa cour auprès de son mari, ce qu’il trouva fort difficile, et dit à Mme de Souche : — « Quoi, croyez-vous, ma chère, que le comte ne m’ait pas reconnu dans le personnage que j’ai fait ? Il est trop fin pour n’avoir pas connu que c’étoit moi qui étois le maître de clavecin. — Ah ! mon aimable, perdez ces sentiments ; mon mari n’auroit point souffert cette feinte, s’il avoit eu la moindre connoissance de la tromperie que nous lui avons faite, mais je ne puis m’en affliger davantage ; puisque c’est vous qui en êtes la cause. — Ah ! mon adorable enfant, dit le prince, en se jetant aux pieds de la comtesse, je suis au désespoir de vous donner de la peine ; mais je prétends reconnoître toutes les bontés que vous avez eues pour moi en sacrifiant ma vie pour votre soulagement. Faites fond sur ma tendresse, qui sera pour vous éternelle. »

Des assurances si sensibles firent tomber un torrent de larmes des beaux yeux de Mme de Souche, que son amant, qui n’étoit pas moins affligé, prit la peine d’essuyer de son mouchoir, après l’avoir baisée mille fois. La belle, toute languissante, dit au prince qu’elle ne vouloit plus voir le monde, et qu’il falloit qu’elle se retirât dans un couvent, le reste de ses jours. A quoi son cher amant ne put consentir qu’avec une violence incroyable. — « Quoi, disoit ce tendre prince, perdre ce que l’on a de plus cher