Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 4, éd. Boiteau, 1876.djvu/347

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l’esprit de ces Messieurs, qu’il falloit qu’un héros ne s’abattît jamais, quand même la fortune ne seroit plus son amie et que le bonheur le fuiroit ; et que les Rois étoient au-dessus de ces chimères, et qu’une autre main régloit leur sort, que tout le reste des hommes[1] ; et qu’un Prince comme lui et né heureux, ayant toujours été la terreur de toute l’Europe, il ne falloit pas écouter mille petits sentiments qui s’élevoient dans le cœur par la sollicitation de la chair, qui s’oppose incessamment à la juste raison, et qui est quelquefois irraisonnable elle-même dans son désordre. Le Roi se sentit le cœur fortifié et plus fort de courage, après de si sublimes expressions, ce qui donna une joie inexprimable à madame de Maintenon, et lui fit remercier le révérend Père en ces termes : — « Mon cher conducteur, je sais que vous êtes la lumière du monde, et que sans votre divin pouvoir nous ne pouvons rien faire, et que vous affermissez les pas les plus glissants ; c’est pourquoi je vous remets l’esprit du Roi entre vos bras, qui est changeant comme le reste des humains ; ce qu’il veut aujourd’hui, demain ce Prince ne le veut plus. Je ne sais ce qui fait cette inégalité chez lui. — Madame, répondit le Père, après avoir bien rêvé, j’ai découvert, ou je me trompe, le principe des chagrins de notre Monarque. Je crois qu’il est fâché de n’être plus sensible à l’amour qui a été autrefois sa passion dominante ; que, voyant que vous lui présentez journellement

  1. C’est-à-dire : et qu’une main autre pour eux que pour le reste des hommes réglait leur sort.