Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 4, éd. Boiteau, 1876.djvu/349

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reçu, et par malheur qui est devenu amoureux d’une des demoiselles de madame de Maintenon, qui est une jolie fille, jeune et fort engageante, ne fût entré, et n’eût rompu l’entretien, en demandant d’un air tendre et plein de feu à la marquise, comment se portoit mademoiselle Gisson[1], qui étoit depuis peu malade, et si le remède qu’il lui avoit donné avoit bien réussi. — « En vérité, mon frère, répondit madame de Maintenon, en riant, et qui ne se doutoit point de l’amour de frère Antoine, l’on m’a dit ce matin que la pauvre enfant étoit bien mal. Elle auroit peut-être besoin d’un consolateur. — Madame, je m’y en vais, dit le frère passionné ; je tâcherai de la consoler le mieux qu’il me sera possible. »

Le frère étant entré dans la chambre de mademoiselle Gisson, s’approcha de son lit et lui prit la main, pour demander d’une voix tendre si elle dormoit bien. — « Non, mon frère, répondit la belle, je ne puis trouver de repos. Je sens des inquiétudes mortelles. — Ah ! mon aimable sœur, répartit le frère Antoine, en lui baisant les mains tendrement, quels pourroient être les troubles de votre cœur ? faites-moi la grâce que je sois votre confesseur ; je vous pardonnerai bien des petits péchés qui vous embarrassent et dont la présence vous fait peur. » Mademoiselle Gisson parut toute surprise de la familiarité du frère jésuite. Cette charmante enfant, qui avoit de l’esprit infiniment, connut d’abord que c’étoit l’amour qui l’apprivoisoit, et que, si elle

  1. Voy. la note précédente.