Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 4, éd. Boiteau, 1876.djvu/52

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ôtez-vous pour jamais de devant mes yeux, ou faites-moi promptement mourir, puisqu’en vous parlant ainsi, je suis criminelle de lèse-Majesté. »

Le Roi, qui vit bien la faute qu’il avoit faite, voulut essayer de l’apaiser ; mais elle ne lui donna pas le temps de parler, et, se débarrassant des bras du Roi, elle gagna d’abord la porte, et laissa cet amant plus mort que vif. Cependant le cri que la comtesse avoit fait avoit été ouï de plusieurs personnes, et particulièrement du comte de L… qui, reconnaissant la voix de sa femme, accourut en diligence pour voir ce que cela pouvoit être. Il ne fut pas plus tôt à la porte de sa chambre qu’il en vit sortir le Roi, et, ne voyant point sa femme, il ne savoit que penser de cette aventure. Le Roi, qui ne douta pas que le comte n’entrât dans des soupçons qui pourroient faire tort à la comtesse et traverser son amour, aima mieux lui dire la chose comme elle étoit, que de le laisser dans cette cruelle incertitude. Mais il n’eut garde de lui parler de la passion qu’il avoit pour la comtesse. Il lui dit donc sans façon : — « Comte, je vois que tu es en peine de ta femme, et que tu veux savoir la cause de ce grand cri qu’elle a fait. Je te dirai que je suis entré fortuitement dans sa chambre, et, la voyant endormie, j’ai voulu lui donner un baiser, ce qui l’a fait lever en sursaut. Va, comte, tu dois te féliciter d’avoir une femme si chatouilleuse ; j’en connois bien d’autres qui, au lieu de s’éveiller, se seroient d’abord rendormies, ou en auroient fait le semblant. »