Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 4, éd. Boiteau, 1876.djvu/53

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Le comte, qui se crut obligé de répondre galamment au Roi, lui dit : « Sire, ma femme n’est pas d’une meilleure trempe que les autres, et si elle eût su que c’étoit votre Majesté, infailliblement elle auroit fait semblant de dormir ; mais son sommeil l’a trompée, et l’a empêchée de vous reconnoître quand elle a jeté ce grand cri. — Elle m’a fort bien reconnu, reprit le Roi, et je t’assure que si ta femme est toujours si franche, tu n’as pas sujet d’en être jaloux. »

La chose ne fut pas poussée plus loin ; le Roi se retira dans son cabinet et congédia le comte, qui n’eut pas le moindre soupçon de l’amour du Roi, et la comtesse, revenue de sa frayeur, retourna dans son appartement, après avoir bien grondé ses filles de ce qu’elles l’avoient laissée toute seule.

Cependant le Roi, qui voyoit que cette affaire n’auroit point de suite fâcheuse, puisque celui qui y avoit le plus d’intérêt la traitoit de bagatelle, et qu’il espéroit de faire bientôt la paix avec la comtesse, ne put s’empêcher de faire un couplet de chanson sur cette aventure, et, quoiqu’elle se chantât en ce temps-là, on n’en a su le véritable sujet que quelques années après. Quoique ces vers soient presque connus de tout le monde, je ne laisserai pas de les rapporter ici :

Jamais Iris ne me parut si belle,
Que l’autre jour dans un profond sommeil ;
Sa cruauté sommeilloit avec elle,
Et je baisai son teint blanc et vermeil,
Quand, par malheur,
Je vis à son réveil
Réveiller sa rigueur.