Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 4, éd. Boiteau, 1876.djvu/54

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Le comte ne vit pas plus tôt sa femme, qu’il lui fit mille railleries sur ce qui venoit de lui arriver. Elle ne savoit d’abord comment y répondre ; elle ne traitoit point comme son mari cette affaire de bagatelle ; elle connoissoit le cœur du Roi et le motif qui le faisoit agir ainsi ; tout cela changeoit la nature de l’affaire ; mais c’étoient des mystères pour le comte. Sa femme le reconnut d’abord, quand elle vit qu’il le prenoit sur un ton railleur. De sorte que, revenue de sa première émotion, elle crut qu’elle devoit feindre, dissimuler son juste ressentiment, et prendre le tour que son mari donneroit à cette aventure. Il fallut pourtant qu’elle se fît une grande violence, la liberté que le Roi s’étoit donnée, après les protestations qu’il lui avoit faites, étoit une chose qu’elle ne pouvoit pas lui pardonner et qui lui tenoit fort au cœur. Mais elle voyoit qu’il étoit pour elle de la dernière importance de cacher à son mari une chose si délicate, et qui auroit pu troubler le bonheur de leur mariage. Le voyant donc heureusement prévenu par le discours que le Roi lui avoit tenu en sortant de sa chambre, elle répondit comme elle devoit à toutes ses railleries, et en femme qui entend son monde : — « Je vous trouve fort plaisant, dit-elle au comte, de me railler d’une chose où vous avez pour le moins autant d’intérêt que moi. Il falloit pour la rareté du fait que je fisse toujours semblant de dormir, et que je laissasse pousser l’affaire jusqu’au bout ; vous auriez vu si les rieurs seroient de votre côté. — Vous auriez agi en femme prudente, lui dit le comte, qui sait accommoder