Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 4, éd. Boiteau, 1876.djvu/65

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comme une innocente colombe qui se voit déjà entre les griffes d’un vautour. Elle fit pourtant tout ce qu’elle put pour se remettre, pour ne donner pas à penser au Roi qu’elle se défioit de lui, et qu’elle ne se croyoit pas en sûreté. Elle fit donc un effort sur elle-même, et, après avoir loué la beauté du lieu, elle dit qu’elle étoit surprise de ne voir personne, et que, si Sa Majesté le trouvoit bon, ils monteroient sur une de ces collines, pour découvrir de quel côté pouvoient être les chasseurs. — « N’en soyez point en peine, Madame, lui dit le Roi, nous les trouverons assez ; délassons-nous cependant, et puisque vous trouvez ce lieu agréable, nous ferons bien d’en considérer les beautés. »

En disant cela, il descendit promptement de cheval, et voulut aider la comtesse pour en faire de même, à quoi elle s’opposa autant qu’elle put, disant que ce n’étoit point la peine, et qu’elle verroit plus commodément tous les lieux que le Roi vouloit lui faire voir, que si elle étoit obligée de marcher. — « Eh ! bien, nous nous reposerons, et nous ferons reposer nos chevaux, dit le Roi. » Enfin il la pressa si fort de descendre de cheval, qu’elle ne put plus s’en défendre ; le Roi la prit entre ses bras, et il ne pouvoit contenir sa joie, d’avoir en son pouvoir ce qu’il aimoit le plus dans le monde.

Après avoir attaché lui-même les chevaux à un arbre, il prit la comtesse par la main, et la fit asseoir sur un gazon extrêmement vert, tel que les poètes nous le décrivent dans leurs fables, et qui sembloit n’avoir jamais été foulé par les hommes, tant il étoit beau et riant. — «