Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 4, éd. Boiteau, 1876.djvu/73

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la comtesse, de la frayeur qu’elle avoit eue, du chagrin qu’elle avoit de s’être sitôt déclarée, et fâchée de sentir dans son cœur une passion qui alloit contre son devoir. Toutes ces choses jointes ensemble la firent tomber dans une maladie de langueur, qu’on craignoit dégénérer en phthisie. La fièvre du Roi redoubla quand il sut que la comtesse étoit malade. Et la comtesse, qui ne pouvoit haïr le Roi, devint encore plus triste et plus abattue, dès qu’elle apprit l’état de ce prince, dont la vie étoit en grand danger. Il ne se passoit point de jour, que le Roi ne s’informât de la santé de la comtesse, et cet empressement que le Roi faisoit paroître, fit ouvrir les yeux à quelques-uns, et leur fit soupçonner avec raison qu’il avoit des sentiments tendres pour cette dame.

La Montespan qui venoit de prendre les eaux de Bourbon[1], et qui n’avoit pas vu le Roi depuis quelque temps, fut la première à s’en apercevoir ; et comme elle croyoit alors posséder seule le cœur du Roi, car La Vallière avoit renoncé au monde, elle ne pouvoit pas se consoler qu’une autre le lui voulût disputer. Mais ce qui la fâchoit plus que tout, c’est que l’intérêt

  1. Ce n’est pas en 1672, mais en 1676, que Mme de Montespan alla aux eaux de Bourbon. Le 8 avril, Mme de Sévigné annonce que la favorite va partir ; le 1er mai, qu’elle est partie ; le 15 mai, qu’elle est présentement à Bourbon ; le 8 juin, qu’elle est partie de Moulins le jeudi pour aller, en suivant le cours de l’Allier et de la Loire, jusqu’à l’abbaye de Fontevrault, où sa sœur étoit abbesse. — Cet anachronisme, rapproché d’autres erreurs, est de nature à diminuer la confiance qu’on pourroit avoir en ce petit roman.