Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 4, éd. Boiteau, 1876.djvu/91

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entré qu’il se reposa sur le lit du comte, et on auroit dit qu’il vouloit imiter en toutes choses le mari de la comtesse. Il est vrai qu’il ne s’amusa pas à dormir, mais il attendoit que le lièvre le fût, afin de tirer à coup sûr et qu’il pût le prendre au gîte. Quand il jugea que la comtesse pouvoit être endormie, il s’approcha tout doucement de son lit, et, laissant sa robe de chambre, il se glissa dans les draps du lit de sa maîtresse, sans qu’elle en sentît rien. Cet heureux amant, voyant qu’il avoit si bien réussi jusques-là, commença de prendre avec la comtesse toutes les privautés que prenoit le comte, dont il représentoit alors le personnage ; il voulut faire en tout le mari ; mais peut-être qu’il le voulut faire trop bien, comme dit La Fontaine, sur un sujet semblable[1]. Il n’eut pas plus tôt pris sa place qu’il reconnut d’abord que ce que la Montespan lui avoit dit de ces ulcères prétendus, n’étoit qu’une calomnie ; il trouva un corps net et uni comme le cristal, et une peau la plus douce et la plus fine qu’il eût encore touchée. Après avoir reconnu tous les endroits de la place, et sentant que la comtesse étoit éveillée par le chatouillement que venoit de lui causer ce prétendu mari, il se mit en état de pousser l’affaire jusques au bout. La comtesse se tourna un peu de son côté, et, comme on ne s’amuse pas à parler dans ces occasions, et qu’il ne lui seroit jamais venu en pensée qu’autre que le comte la fût venu trouver dans son lit, elle ne

  1. Est-ce dans le Quiproquo ? Est-ce dans Richard Minutolo ? On peut hésiter entre les deux.