Page:Bussy Rabutin - Histoire amoureuse des Gaules, t. 4, éd. Boiteau, 1876.djvu/92

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rejeta point du tout ses premières caresses ; mais, les recevant comme un doux fruit de leur mariage, elle y alloit répondre de son côté comme une bonne et fidèle épouse ; mais il arriva une chose qui troubla les plaisirs qu’ils se préparoient de goûter. Comme elle avança un de ses bras pour embrasser celui qu’elle avoit pris jusques-là pour son mari, elle rencontra à l’endroit de ses reins une grosse verrue[1] qu’elle n’avoit jamais trouvée sur le corps du comte, quoique sa main se fût promenée mille fois en cet endroit. Cela la surprit un peu, non pas qu’elle crût qu’un autre homme fût venu occuper sa place ; mais cette nouvelle verrue lui fit rompre un silence qu’elle avoit gardé jusque-là. — « D’où vient, monsieur le comte, dit-elle, que vous avez là cette verrue que je n’avois pas remarquée ? Parlez, dit-elle, vous ne me répondez point ? » Ce silence parut suspect à la comtesse, et, voyant qu’on ne lui répondoit que par des embrassements, elle fit un grand effort pour se débarrasser de celui qui la tenoit ; et, comme il la venoit rejoindre : — « Si tu ne me laisses, dit-elle, qui que tu sois, je t’arracherai les yeux, et je ferai venir mes gens. » Et, en disant cela, elle lui donna un coup d’ongle entre l’œil droit et la temple[2], dont le Roi porta les marques qui

  1. Le Journal de la Santé du Roi ne parle pas de cette malencontreuse verrue ; mais bien qu’en 1672 « Sa Majesté ait joui d’une santé digne d’elle », il avoit eu cependant, à plusieurs reprises, soit sur la poitrine, soit sur d’autres parties du corps de nombreuses tumeurs et duretés squirreuses.
  2. La tempe. Cette forme s’est conservée dans le patois