Page:Byron - Œuvres complètes, trad Paris, 1830.djvu/147

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moi, — aimez-moi. — Non, ce mot est désormais inutile, — pourtant je le laisse.

196. « J’ai été et suis encore bien faible ; cependant je crois pouvoir reprendre mes forces. Mon sang, tel que les vagues poussées par un vent régulier, se porte toujours vers le siége de mes pensées[1] ; mon cœur est celui d’une femme, il ne peut oublier. — Il ne voit plus rien au monde, rien qu’une image ; et, comme l’aiguille est sans cesse dirigée vers le pôle immobile, ainsi mon pauvre cœur s’élance-t-il toujours vers mon ame abîmée dans une seule idée.

197. « Je n’ai plus rien à ajouter, et je tarde encore : je n’ose cacheter ce papier. Cependant, pourquoi craindrais-je de vous l’adresser ? mon malheur ne peut plus guère augmenter. Si je n’avais pas vécu jusqu’à ce moment, le chagrin pourrait me faire mourir ; mais la mort évite le coupable qui n’espère que dans ses coups ; et je dois survivre à ce dernier adieu. Je dois soutenir l’existence pour soupirer, pour prier pour vous. »

198. Cette lettre, sur une feuille dorée sur tranche, fut écrite avec une mince et neuve plume de corneille. La petite main blanche de Julia eut de la peine

  1. My blood still rushes where my spirit’s set,
    As roll the waves before the settled wind ;

    M. A. P. traduit : « Je sens circuler mon sang avec vitesse, et renaître mon courage ; ainsi coulent les ondes dociles, lorsque le souffle des vents est réglé. »