Page:Byron - Œuvres complètes, trad Paris, 1830.djvu/166

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serait resté une lueur d’espérance) celui de beaupré. Ainsi débarrassé, le bâtiment se redressa avec violence.

33. On peut facilement supposer que, pendant tout cela, certaines personnes n’étaient pas sans inquiétude ; que les passagers trouvaient fort déplacé de sacrifier leur vie en même tems que leurs rations ; que même il n’y avait pas jusqu’aux meilleurs marins qui, se voyant si près de leur fin, ne commissent quelque désordre, comme de demander du grogue, et quelquefois d’aller boire le rum à la tonne.

34. Il est vrai que rien au monde ne calme l’esprit comme le rum et la vraie religion. Dans cette circonstance, les uns pillaient, les autres buvaient des liqueurs spiritueuses, et ceux-là chantaient des psaumes, tandis que les vents aigus répondaient en dessus, et que le rugissement rauque des vagues marquait la mesure. L’effroi avait interrompu les vomissemens des passagers attaqués du mal de mer, et les sons des désespérés, des blasphémateurs et des dévots, formaient étrangement chorus avec les mugissemens de l’Océan.

35. Peut-être serait-il survenu plus de mal sans notre Juan qui, avec une raison supérieure à son âge, courut à la chambre aux liqueurs, et, armé d’une paire de pistolets, leur en ferma l’entrée. La crainte qu’il inspira, comme si la mort eût été plus effroyable en sortant de la flamme que de l’eau, tint en respect, malgré leurs jurons et leurs pleurs, tous