Page:Cérésole - En vue de l’Himalaya.djvu/50

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pour apprendre à lire et à écrire avec un des volontaires indiens comme maître, et le dimanche matin nous nous réunirons une ou deux heures, non pas d’abord pour nous ingurgiter réciproquement l’Évangile ou la Baghavad Gita, mais pour nous rapprocher, pour causer autrement qu’on ne peut le faire sur le champ de travail, s’il y a moyen de le faire naturellement, et pour arriver peu à peu aux choses les plus importantes, pour eux et pour nous.

Pendant que nous travaillons, le trafic très animé de la route offre le spectacle le plus pittoresque ; à l’endroit où nous sommes, les gens traversent à gué : paysans et paysannes qui vont au marché voisin. Les femmes, singulièrement gracieuses avec leurs fardeaux sur la tête, obligées de relever leurs saris de couleur pour ne pas les laisser tremper dans l’eau, gestes gracieux, retenus, pleins d’harmonie et de décence naturelle. La plupart ont l’air prodigieusement fatiguées et tourmentées, quelques-unes encore jeunes et belles. C’est pour ces femmes surtout que la construction de notre passage pour piétons sera utile. Constamment passent des chariots à bœufs conduits par de vieux paysans tannés et retannés par le soleil. Un palanquin transportant dans une caisse en étoffe rose une personne invisible. Quatre hommes le portent péniblement. C’est un gros Raja ou peut-être tout une famille qui est là-dedans. Les quatre coolies trébuchent sur notre petit passage ; ce serait un spectacle de voir la caisse basculer et tomber dans la mare en obligeant le contenu à se relever dans un sauve-qui-peut général. Cette jouissance démocratique ne nous est point donnée. Ce palanquin est du système que j’appellerai « mono-bambou », qui paraît le plus impratique du monde, la lourde caisse est portée par un seul énorme bambou à chaque bout duquel deux malheureux porteurs s’évertuent, pressés l’un contre