nord doit être en même temps une défense contre l’inondation, le talus du chemin empêchera l’eau de passer. Je suis toujours à me débattre entre les lignes droites américaines, plus pratiques, et les courbes plus gracieuses avec angles et recoins chers aux poètes, aux enfants et aux vieilles femmes, mais que le patron de la ferme apprécie fort peu. Je n’ai jamais osé faire poser le problème de la ligne courbe ou droite à nos villageois. Si le problème existe pour le paysan, il relève tout entier du subconscient et en le posant dans le « conscient », on se couvrirait d’un ridicule mérité.
Une question posée ce dimanche matin à tous nos paysans réunis a été lamentablement révélatrice, — je dis lamentablement du point de vue de l’esthète. Il s’agissait des matériaux nécessaires pour le village ; à une écrasante unanimité, nos gens ont prononcé que le toit idéal était le toit en fer ondulé. Il est bon que ce verdict soit prononcé dès le début de nos travaux pour nous rappeler que nous n’avons pas à bâtir d’abord un joli village, mais un village — joli ou non — dans lequel ces pauvres gens pourront mener la vie la moins abominablement inconfortable. Si l’on considère que leur point de vue est radicalement différent de celui du touriste en pantalons blancs aux plis bien marqués qui descend quelques minutes de son auto pour voir « un vrai village indien », leur jugement se justifie très bien. D’abord, quand nous autres Européens protestons d’un seul cri : « Mais l’été, le toit de fer ondulé, c’est l’enfer ! » ils répondent tranquillement : « Oh ! pour vous, mais pas pour nous ! »
Ce qu’ils veulent, c’est d’abord un toit qui ne prenne pas feu à la moindre étincelle, allumant tout le village. Ensuite, si possible, un toit qui ne laisse pas passer l’eau dès qu’il est un peu vieux, et n’accumule pas la vermine, enfin et surtout, un toit qu’il ne faille pas réparer et remplacer