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LE FORGERON DE THALHEIM

vraie, et, une fois lancé dans ces faits merveilleux qui nous terrassent encore, malgré la distance, son regard s’illuminait, son geste devenait éloquent, ses lèvres paraissaient inspirées. Enfant du peuple, il en comprenait et en sentait toutes les palpitations. Placé sur une autre scène, Robert Feller eût été un grand homme peut-être ; les circonstances, selon le mot de Napoléon Ier, en avaient fait un forgeron, et il ne s’en plaignait pas.

Toute la semaine était naturellement consacrée au travail, à l’exception du dimanche qu’il employait, le matin, à son instruction, et l’après-midi, à des courses dans les environs de Thalheim. Il aimait surtout, de la saison des fleurs à celle des fruits, à parcourir les grands bois qui limitent la plaine au midi, du côté de la Suisse. Une joie pour lui que ces promenades sous le feuillage vert clair du hêtre, dans les taillis ensoleillés sur les crêtes des collines, où l’on respire si avidement l’arôme pénétrant des vieux pins. Quand son pied avait atteint le sommet des pentes boisées, il s’arrêtait, et, non sans douleur, il laissait son regard errer mélancoliquement dans l’immense panorama alsacien. Un silence