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LE FORGERON DE THALHEIM

du forgeron ne le croyait pas. Elle comprenait cependant ces douleurs ; ils en avaient maintes fois causé, le soir, auprès du feu. Mais l’esprit de Käthel n’allait pas si loin. Il faut un peuple ayant sucé, des générations durant, le lait de la liberté, pour enfanter des héroïnes de Sparte, de celles-là qui disent aux fils partant pour les combats : Reviens dessus ou dessous, tué ou vainqueur, en leur remettant le bouclier. La Pologne a eu de ces femmes, mais elles n’étaient pas plébéiennes.

— Qu’avez-vous, mes enfants ? avait demandé la veuve Feller, réunissant, dans cette caressante interrogation, le fils et l’étranger, le maître et l’ouvrier.

— Oh ! pas grand’chose ! répliqua Robert.

— Ah ! tu te décides enfin à parler ! Vraiment je commençais à m’effrayer de ton obstiné silence.

— Voici, mère.

Et, en quelques mots, il lui fit part de ce qui s’était passé à l’auberge.

— Ah ! mon Dieu, s’écria la brave femme, réellement effrayée cette fois. Qu’allons-nous devenir ? Cette terrible guerre a été bien malheureuse pour nous autres habitants de l’Alsace. Nos familles sont, pour ainsi dire, pres-