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LE FORGERON DE THALHEIM

superbe collection de rosiers, aux boutons de neige ou de feu. Bref, à la vue de ce paysage qu’on rêve une fois dans sa vie, on comprend aussitôt que l’on est dans un milieu honnête et bon, et involontairement, on se souhaite de couler ses jours sous ce toit rouge qu’a déjà noirci la fumée de la forge.

Cette modeste habitation, que plus d’un regarde avec envie, appartient en légitime propriété à une veuve du nom de Catherine Feller, qu’on appelle communément Käthel. Elle n’a qu’un fils, Robert, le plus beau gars de Thalheim, et dont le bras nerveux, en battant le fer sur l’enclume, fait résonner bruyamment, du matin au soir, les échos des alentours.

C’est un jeune homme aux franches allures, le visage régulier, bruni par le feu de sa forge, et presque toujours triste depuis son retour au pays, après l’affreuse guerre. Sa mère en raffole. Souvent, au milieu de son travail, elle s’arrête à le contempler avec admiration et songe sans doute, sous ce bon regard qui répond à son sourire maternel, à l’homme qu’elle a perdu pendant l’année terrible. Car, pour eux comme pour beaucoup d’autres, pour l’Alsace surtout, la guerre a