Page:Côté - Bleu, blanc, rouge, 1903.djvu/172

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et d’affecter un air indifférent. Elle pousse le verrou, entr’ouvrant la porte.

— Que voulez-vous ?

— Toi cacher ton mari et ton garçon. Entrez boys, regardez de la cave au grenier !

Et d’un coup d’épaule, il lance la femme sur la muraille, poussant de formidables Goddams terminés par un éclat de rire baveux, d’ivrogne. Et précédés de la vieille qui les éclaire, les soldats mettent tout, sens dessus-dessous, éventrent les armoires, regardent sous les couchettes, enfoncent leurs baïonnettes dans l’édredon des oreillers et des lits, pillent les garde-manger.

— C’est toi, bon vieille cannuck, faire un tasse de thé, dit-il, en s’asseyant à la table.

Les monstres ont-ils deviné que son fils est dans la cheminée… Grand Dieu ! — Mais une idée vient de lui passer dans l’esprit, elle court chercher une cruche d’alcool.

— Tiens, ça vaut mieux que du thé, hein !

Le nez de betterave du soldat se met à flamber d’un nouveau rayon. Saisissant la cruche à deux mains, il en ingurgite deux ou trois lampées et la passe à ses complices qui en font autant.

— Ah ! le belle petite dans le coin, c’est toi venir m’embrasser.

Mais en faisant un effort pour se lever, il roule avec la table, dans une hécatombe de porc-frais, de crème, de graisse de rôti, de vaisselle cassée…

Et, vous croyez que les petits qui ont entendu ce lamentable et véridique récit, tombé des lèvres du vénérable aïeul, quand ils auront grandi, baiseront les pieds des Anglais pour obtenir le hochet d’un titre ou d’une décoration ? Qu’oublieux des vilenies des vainqueurs, ils iront lécher la main de ceux qui les auront tenus cour-