Page:Côté - Bleu, blanc, rouge, 1903.djvu/99

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Rien n’est touchant et humain comme le culte des morts, antique et pieux usage qui, chaque année, consacre un mois au souvenir de ceux que nous avons aimés.

Des files silencieuses de visiteurs recueillis envahissent notre cimetière. Foule endeuillée des orphelins, des veuves, des mères et des pères malheureux, à la démarche lourde, aux yeux rougis. Un grand nombre arrivent, les bras chargés de fleurs naturelles et artificielles. Gracieux contraste, tandis que les pleurs coulent des yeux, les tombes s’épanouissent comme aux jours du renouveau.

Cette communion des vivants et des morts, qu’elle me paraît sainte et salutaire ! Cette chaîne de prières qui soude l’une à l’autre, la vie d’ici-bas à celle de l’au-de-là, comme elle me semble consolante ! Vraiment, il en coûte moins de partir quand on a la douce certitude que les liens qui nous rattachent à ceux que nous aimons, loin d’être brisés, ne sont que renforcis, purifiés et sanctifiés. Grâce à la divine télépathie de la prière, les âmes vibrent à l’unisson et peuvent toujours se fondre, l’une dans l’autre, fussent-elles aux antipodes du monde, aux antipodes mêmes de l’éternité : la sympathie ne connaît pas de distance.

Ah ! les morts sont heureux de cette émanation fluidique qui monte d’un peuple en prière, ils nagent dans un océan de délices comparable à la joie d’Éponine et de Sabinus, quand leur vue obscurcie d’ombres s’emplit tout à coup de clarté.

Mais à errer d’une tombe à l’autre, toute aux pensées sérieuses qu’éveille en nos âmes le séjour des trépassés, je ne m’étais pas aperçue que le soleil avait disparu derrière les grands sapins.

La foule s’écoulait en gros torrents, par la grande porte du cimetière, car le jour tombait maintenant. Dans